En cette chaude soirée de juin 1997, le Stade de Gerland s’est rempli pour voir si les Bleus sont prêts. Prêts à disputer la Coupe du monde, leur Coupe du monde, qui arrive à grands pas. Et prêts à affronter ce qu’il se fait alors de mieux en matière de football : le Brésil de Mário Zagallo. On joue la 21e minute de ce premier match du Tournoi de France. Les hommes d’Aimé Jacquet sont bousculés par les assauts de Ronaldo et Giovanni, mais restent bien en place défensivement. « O Fenomeno » tente une percée depuis le milieu de terrain, Blanc et Vieira lui mettent un énorme stop. Le Brésil joue vite la faute, et dans la foulée, Romário se fait sarcler par la Dèche. Cette fois, la Seleção prend son temps. Un petit bonhomme d’1m68 avec un immense short arrive en trottinant et s’empare de la gonfle. À 35 mètres, plein axe, Roberto Carlos place avec attention son ballon, tandis que Barthez – titulaire en l’absence d’un Nanard Lama contrôlé positif à la ganja – balance les instructions à son mur. Le divin chauve sait qu’il faut se méfier : le successeur de Branco a déjà fait parler la poudre avec Palmeiras et le Real.
Tout le monde est en place. Roberto Carlos fait un pas en arrière, puis deux, puis trois, puis quinze. Il s’arrête. « Ce soir-là, j’étais remplaçant en première période, se souvient Marc Keller. Ça s’est passé sur notre gauche. Quand Roberto Carlos prend sa course d’élan, on se dit que ça ne rentrera jamais. C’était une course d’élan vraiment étrange, vraiment longue, rien à voir avec un coup franc classique. Et puis il met une énorme frappe. Et boum, ça finit au fond. » En temps normal, un gaucher va frapper la balle soit de l’intérieur, en contournant le mur par la gauche, soit du coup de pied, de manière à donner au ballon une trajectoire droite, mais puissante. Roberto Carlos, lui, décide de compliquer la chose en tapant moitié coup de pied – moitié extérieur, pour un résultat unique. Une courbe dont se rappelle encore Henri Émile : « Nous, du banc de touche, on ne pense jamais qu’il va marquer. Par rapport au mur, par rapport à la manière dont il frappe, on a l’impression que la balle va sortir largement. Et puis on la voit qui, par une espèce de mouvement semi-circulaire, va se loger au dernier moment à ras du poteau. C’est une frappe extraordinaire. Fabien Barthez me l’a confirmé après le match. Il m’a dit qu’il a eu l’impression que le ballon fuyait au moment où il allait se jeter. » Du coup, Barthez n’a pas bougé. Le portier des Bleus est resté cloué sur sa ligne, spectateur avisé d’une fulgurance.
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